Louis Gundermann est le président de l’Union des démocrates et indépendants jeunes, vice -président de l’UDI à Paris et président de l’Union des fédéralistes européens d’île de France. Dans l’interview pour Tyzhden.fr il explique comment la jeunesse française perçoit la guerre en Ukraine et quel rôle elle joue dans le renforcement de la solidarité européenne. Il a également partagé ses réflexions sur l’engagement politique, les initiatives de soutien et les défis auxquels la jeunesse européenne est confrontée aujourd’hui.
– Quelle est la plateforme politique de votre parti ? Y a-t-il beaucoup des jeunes par rapport au nombre total de membres ?
– Mon parti, l’Union des démocrates et indépendants, est centriste ou de centre-droit en France. En Ukraine, on l’appellerait un parti démocrate-chrétien. C’est un parti pro-européen, qui est même lié à l’histoire de l’Europe. Il défend l’idée d’une Europe fédérale. C’est un parti très motivé par l’idée d’unité politique de l’Union européenne, par l’égalité des droits des citoyens, etc. Et bien sûr, il soutient l’intégration de l’Ukraine dans l’UE. Puisqu’il s’agit d’un parti fédéraliste, il considère que les Ukrainiens se battent aussi pour l’Union européenne et pour nous. Ce sont les futurs citoyens de l’Europe, car 92 à 94 % des Ukrainiens souhaitent rejoindre l’Union européenne — selon les sondages. Ce sont donc les futurs citoyens de l’UE, et nous devons les défendre comme tels.
Nous avons environ 10 000 membres en France, ce qui correspond à la moyenne pour les partis. En France, le nombre moyen d’adhérents par parti est d’environ 10 à 15 000 personnes, qui paient une cotisation annuelle de 20 ou 10 euros. Je dirais qu’environ 80 % sont des personnes de plus de 35 ans, et 20 % ont moins de 35 ans. Mais cela dépend des régions.
– Que fait aujourd’hui le pôle « Europe et affaires internationales » de la branche jeunesse ?
– Je ne suis pas député, je suis militant, responsable au sein du parti. Avec un collègue, je suis chargé des affaires européennes dans la branche jeunesse de l’UDI. Dans ce rôle, nous avons organisé plusieurs événements consacrés à l’Ukraine — des conférences publiques, des actions de soutien (marches, rassemblements), auxquelles participent des Français qui souhaitent en savoir plus sur l’Ukraine. L’objectif est de parler de l’Ukraine, de maintenir ce sujet dans l’espace public.
Nous organisons aussi des événements à huis clos pour former nos militants et sympathisants sur la question ukrainienne. Beaucoup d’entre eux sont des élus locaux — municipaux ou régionaux. Nous leur apportons des connaissances pour qu’ils puissent agir dans leurs territoires. Par exemple, nous avons élaboré des modèles de résolutions en soutien à l’Ukraine, y compris sous forme d’aide financière — de 1 000, 2 000 ou 10 000 euros. Les collectivités choisissent elles-mêmes le montant. Cela leur permet d’agir localement avec un impact concret.
Certaines personnes ont peur d’agir, elles disent : « Je ne suis qu’un conseiller municipal, que puis-je faire ? » En réalité, une ville ou une commune peut faire beaucoup pour l’Ukraine : accueillir des réfugiés, fournir un soutien financier, organiser des actions symboliques mais importantes, comme hisser le drapeau ukrainien sur la mairie.
Je pense que le principal problème en France, c’est que, comme la France soutient la paix et n’est pas en guerre, on n’a pas le même sentiment d’urgence. L’Ukraine est proche, mais aussi lointaine. Les gens oublient parfois l’Ukraine ou disent que ce n’est pas une priorité.
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– Comment faire pour que l’Ukraine reste dans le top 3 des priorités en France ?
– Je pense que c’est déjà réussi, car hier soir il y avait un débat avec Macron à la télévision, et l’Ukraine a été le tout premier sujet abordé. Et c’est une victoire, car il y avait des doutes: en 2025, trois ans après l’invasion à grande échelle et onze ans après 2014, allait-elle encore être un sujet majeur au niveau national ? C’est une bonne chose qu’il en parle, ou que d’autres partis en parlent. Parce qu’il y a des partis qui font leur travail, et d’autres qui ne le font pas — c’est une autre question. Mais les partis qui font leur travail, ensemble, nous avons réussi à mettre l’Ukraine en tête des priorités gouvernementales et parlementaires.
– En quoi la communication sur la guerre diffère-t-elle selon l’âge des personnes ?
– Mon grand-père était élu local. Il s’intéressait beaucoup à la politique, aimait suivre l’actualité et suivait de près les événements liés à la guerre en Ukraine. Un jour, je lui ai demandé quelles étaient ses sources d’information. Il s’est avéré que nous avions quasiment les mêmes informations. Pourtant, nous utilisions des canaux totalement différents — aucun de nos points d’accès n’était commun. Le seul lien entre nous, c’était la chaîne d’information française LCI, qui consacre presque toute sa programmation à l’Ukraine. Mais même LCI, nous la consommons différemment : moi via YouTube, lui via la télévision traditionnelle. Tout le reste était complètement distinct.
Lui, il se faisait confiance principalement à la télévision et lisait des médias français classiques comme Le Monde ou La Croix. Moi, de mon côté, je suivais des journalistes ukrainiens sur YouTube, sur Twitter, et je consultais d’autres ressources accessibles grâce aux réseaux sociaux.
Le plus important, c’est d’avoir au moins des bases en pensée critique et des capacités d’analyse. Grâce à cela, on peut obtenir quasiment la même information qu’un journaliste professionnel. Par exemple, je suis capable de connaître les mêmes faits qu’un journaliste du Monde, alors que je ne suis pas journaliste moi-même. Mais en tant que citoyen, c’est un énorme avantage d’avoir un accès direct aux sources. Je suis autonome : je cherche moi-même les journalistes, j’analyse moi-même. Et cela prouve, au fond, que nous avons en France de très bons journalistes.
– L’un des sept députés du parti l’UDI est rapporteur d’une résolution de soutien à l’Ukraine. Pourriez-vous nous en dire plus ?
– La résolution de soutien à l’Ukraine, examinée à l’Assemblée nationale française, a été adoptée par presque toutes les forces politiques, à l’exception de La France insoumise (LFI), qui a voté contre. Le Rassemblement national (le parti de Marine Le Pen) s’est abstenu. Notre député — ou plus précisément, le député de l’UDI — a été le rapporteur de cette résolution. Il est également vice-président de la Commission des affaires étrangères.
L’objectif de cette résolution, dans le contexte d’une possible victoire de Donald Trump et de sa position ambigüe sur l’Ukraine, était de montrer que le Parlement français soutient l’Ukraine de manière quasi unanime. Et globalement, cela a fonctionné, même si LFI a voté contre. Cela, malgré le fait que le rapporteur, Laurent Mazurek, ait intégré certaines de leurs propositions dans le texte pour tenter de les convaincre. Mais ils sont restés sur leur position.
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L’essentiel, c’est que cette résolution a obligé le gouvernement français à adopter une position plus ferme sur la question de la livraison d’armes à l’Ukraine. Elle a aussi envoyé un signal clair au monde — et notamment aux États-Unis — que la France ne lâchera pas l’Ukraine. Car c’est bien le Parlement français qui ratifie les accords internationaux, donc le gouvernement ne pourra pas conclure un accord avec Trump sans son approbation. De cette manière, nous avons exercé une pression à la fois sur le gouvernement et sur Trump. L’idée centrale de la résolution, c’est que seule l’Ukraine peut décider de continuer ou non à se battre — pas les États-Unis, ni la Russie.
– Avez-vous des partenariats avec l’Ukraine ?
– Oui et non. Oui, officiellement, il existe des partis politiques avec lesquels nous sommes en alliance. Mais en pratique, je n’ai pas vu de véritables échanges de députés ni de coopération active. Nous avons simplement accueilli des députés ukrainiens venus témoigner. C’étaient des Ukrainiens qui venaient parler — pas forcément dans le cadre d’un partenariat formel. Donc, il y a des partenariats, en quelque sorte, mais ils ne sont pas activés.
En tant que députés, ils peuvent — et ont déjà — établi des liens officiels avec des partis ukrainiens. Il s’agit de collaborations entre le Sénat français ou l’Assemblée nationale et la Rada ukrainienne, par exemple. Lors du vote de la résolution, des députés ukrainiens sont venus s’exprimer devant leurs collègues français. Mais c’étaient des visites officielles, sans lien avec une appartenance partisane.
– Le président Macron a déclaré que l’accumulation des menaces obligeait la France à s’adapter et à appeler davantage de jeunes volontaires qui pourraient renforcer l’armée en cas de besoin. Les jeunes sont-ils prêts à assumer la responsabilité de la sécurité du pays face à l’intensification des menaces ?
– Oui, car aujourd’hui il y a plus de réservistes qu’avant, et plus de jeunes réservistes. Et quand on regarde les sondages, les jeunes disent : « Oui, nous sommes prêts ». Mais en pratique, si la France se retrouvait réellement dans un grand conflit, ce serait comme en Ukraine. Tant que nous ne sommes pas en guerre et que nous ne sommes pas contraints d’agir, toute déclaration reste théorique.
Globalement, je pense qu’en ce qui concerne l’esprit de défense, le renforcement du pays, les jeunes sont plus conscients. Ils ont de meilleurs réflexes en matière de sécurité, de patriotisme national, d’investissement ou de travail dans le secteur de la défense. C’est un sujet qui les préoccupe davantage aujourd’hui.
Ils investissent, travaillent ou achètent des actions dans le domaine de la défense. Il y a beaucoup de choses que les jeunes peuvent faire. Sont-ils plus prêts que les autres ? Je ne sais pas. Mais je pense que la situation est meilleure qu’il y a deux ou trois ans, car il y a une vraie prise de conscience.
– Quel rôle la jeunesse doit-elle jouer dans la création d’un nouveau système de sécurité européen ?
– Selon moi, il y a deux caractéristiques particulières chez les jeunes. Premièrement, en France, ils sont plus ouverts à l’idée d’une armée européenne, d’une Europe unie. La jeunesse est moins sceptique à ce sujet. Les jeunes sont engagés, mais tout autant que les générations plus âgées. Ce qui les distingue, en revanche, c’est que les jeunes, s’ils le souhaitent, peuvent rejoindre l’armée — pas comme militaires professionnels, car c’est un métier — mais en tant que réservistes.
En France, depuis 2015 et les nombreux attentats, la réserve militaire s’est développée : ce sont des citoyens formés par l’armée. Ce dispositif a gagné en popularité et s’est considérablement renforcé. Je constate qu’aujourd’hui, il y a beaucoup plus de jeunes, parmi mes amis et dans ma génération, qui deviennent réservistes ou rejoignent l’armée. Parmi mes proches, je dirais que sur cinquante personnes, cinq ou six sont dans l’armée. Et il y a encore deux ou trois ans, ce n’était pas du tout le cas. On voit donc une réelle évolution.
– Quel est l’avis des jeunes sur la guerre en Ukraine? Quel est leur état d’esprit actuel ?
– La jeunesse française est également politiquement divisée. Une partie est très pro-ukrainienne, tandis qu’une autre l’est moins. Il y a une partie de la jeunesse qui est très informée sur le conflit, qui regarde des vidéos, lit des articles, et ainsi de suite, et qui soutient les Ukrainiens sur les réseaux sociaux. Et puis il y a des jeunes qui suivent le conflit à travers les grands médias français, et qui sont moins informés.
Nous voyons que les États-Unis ne fournissent pas à l’Ukraine suffisamment d’armements pour qu’elle puisse vraiment avoir l’initiative sur le terrain. C’est pourquoi je pense que les gens restent prudents, mais cela n’empêche ni les jeunes ni les plus âgés d’espérer et de faire tout ce qui est possible pour que l’Ukraine survive et gagne la guerre.
– Quelles initiatives dans le domaine de la solidarité européenne sont actuellement les plus soutenues par les jeunes ?
– Les initiatives les plus populaires parmi les jeunes sont le soutien aux efforts diplomatiques. La jeunesse considère que soutenir la diplomatie est important, ainsi que l’aide humanitaire. Cependant, le soutien militaire est perçu comme étant le plus efficace.
– Les jeunes suivent-ils les nouvelles, l’évolution des événements, ou au contraire essaient-ils d’éviter le sujet de la guerre ?
– Quant à savoir si les jeunes suivent les nouvelles sur la guerre ou s’en éloignent, cela dépend de chacun. Les militants politiques suivent activement la guerre, car ils sont intéressés par la politique et la géopolitique. Ils voient dans la guerre un intérêt intellectuel, en analysant ses conséquences pour la France. En revanche, les jeunes qui ne sont pas politiquement actifs s’intéressent moins à la guerre, bien qu’ils reçoivent des informations par les grands médias. J’ai vu certains jeunes profondément affectés par la guerre et essayer de ne plus en parler.
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– Si l’on parle de jeunes plus politiquement engagés, comme les membres de “Les Jeunes Européens” , comment perçoivent-ils la guerre en Ukraine? En quoi consiste leur activité civique ?
– “Les Jeunes Européens” est une ONG à laquelle j’appartient également. Ce sont des jeunes qui sont très impliqués dans des activités pédagogiques, des actions culturelles sur l’Europe, etc. Ils parlent beaucoup de l’Ukraine. Par exemple, ils ont lancé des pétitions et organisé des actions de soutien à l’Ukraine. Ils ont aussi organisé des débats. Dans le cadre de la Fédération Européenne, nous avons organisé des débats en Île-de-France. Et comme nous avons également des partenaires ukrainiens, notamment des représentants de la Fédération Européenne d’Ukraine, nous pouvons organiser ces débats avec des Ukrainiens — et c’est formidable. Il y a des Ukrainiens en France qui sont aussi membres de ces organisations.
Cependant, les ONG qui ne se spécialisent pas dans les questions européennes ne parlent de l’Ukraine que lorsque cela leur est avantageux. Par exemple, je travaille également comme assistant auprès d’élus locaux dans la ville de Nanterre, une grande ville proche de Paris, dans le 92ème arrondissement, avec une population d’environ 100 000 habitants. C’est une ville avec une population importante d’origine arabe et musulmane. Le conflit à Gaza a suscité beaucoup d’émotions et d’événements préoccupants. Des manifestations ont eu lieu, etc. En ce qui concerne l’Ukraine, l’activation de la solidarité n’a commencé que deux mois après le début de la guerre à grande échelle et les associations pro palestiniennes ont parlé de l’Ukraine simplement pour comparer avec Gaza.
– Les Français peuvent avoir une perception particulière de la Russie. Comment faire en sorte que la guerre ne soit pas perçue simplement comme un arrière-plan pour des vidéos esthétiques de l’époque soviétique, sur les réseaux sociaux ?
– Le fait est que les Français aiment généralement la culture russe, mais il ne faut pas exagérer. Dans les lycées français, dans les écoles publiques ou privées, nous étudions un peu la culture russe, mais pas beaucoup. Je pense que la majorité de ce qui est enseigné sur la Russie dans le programme scolaire français concerne Napoléon. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de la « grande Russie », mais de celle que nous avons essayé de conquérir — ce qui n’est pas une image très positive pour la Russie elle-même.
Je pense qu’en France, et cela est reconnu aussi bien par le gouvernement que par les jeunes, il existe un certain désir de maintenir des relations avec la Russie. Il y a l’idée que la culture russe n’est pas seulement Poutine, que nous pouvons encore lire Dostoïevski ou Pouchkine, et cela ne signifie pas que nous soutenons la dictature. Bien sûr, en Ukraine, c’est différent — car vous êtes en guerre. Nous, en France, avons le privilège de la distance. Nous pouvons nous permettre de soutenir l’Ukraine à travers des dons, des actions, etc., tout en continuant à lire Pouchkine.
Concernant les réseaux sociaux, oui, il y a des gens qui sont fascinés par les vidéos russes. Cela les rend parfois plus vulnérables à la propagande russe. Ils ne la soutiennent pas directement, mais deviennent sensibles, car ils aiment beaucoup la Russie et souhaitent y retourner, y étudier. Le problème de la perception de la Russie n’est pas seulement celui de la jeunesse en France, mais de toute la société. En France, il n’est pas encore courant de considérer la Russie comme « le mal », ou de voir la culture russe comme quelque chose de dangereux.
Nous continuons à étudier et à soutenir la culture russe — et c’est bien que nous ayons cette possibilité. L’essentiel est que le contenu russe sur Internet ne devienne pas trop propagandiste. Il est nécessaire de travailler pour qu’il y ait plus de contenu ukrainien, afin que les gens puissent voir un autre côté de la situation.
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– Existe-t-il des programmes éducatifs ou de sensibilisation qui promeuvent l’information sur l’Ukraine dans les écoles ou les universités ?
– Tout d’abord, je pense qu’il est crucial que les matériaux sur l’Ukraine qui figurent déjà dans les programmes scolaires soient effectivement étudiés dans les classes supérieures : au collège, au lycée, etc. Par exemple, dans les manuels d’histoire, on pourrait choisir un sujet consacré à l’Ukraine. Est-ce que ce sujet est actuellement enseigné dans mon pays ? Cela reste à vérifier.
L’Institut Jacques Delors, dans le cadre de son initiative «Académie « Notre Europe 2025 » », propose actuellement un module spécifique consacré à l’Ukraine. Il s’agit d’un programme généralement axé sur l’Union européenne, mais il inclut désormais aussi la thématique ukrainienne, ce qui est sans aucun doute très positif.
En même temps, il faut comprendre que les gens ont leur travail, leurs cours universitaires et des programmes déjà planifiés. Par conséquent, la thématique ukrainienne doit être présentée comme une opportunité supplémentaire – sous forme d’activités optionnelles, de conférences, et non comme une partie obligatoire du programme national. Sinon, cela ne sera pas efficace – les gens ne l’accepteront tout simplement pas de manière adéquate.
– Beaucoup de gens dépendent de l’opinion de leurs parents. Ils partagent souvent des points de vue similaires sur la guerre. Par exemple, si les parents soutiennent une position anti-ukrainienne, leurs enfants peuvent aussi la soutenir. Comment devrait-on travailler avec eux ?
– C’est un phénomène normal que les parents influencent leurs enfants. C’est inévitable. Par conséquent, si les parents ne soutiennent pas l’Ukraine, leurs enfants auront également tendance à adopter une attitude assez hostile. Mais en même temps, en tant qu’êtres libres, ils peuvent changer d’opinion. Ainsi, un enfant peut changer d’avis, même si ses parents ne soutiennent pas l’Ukraine. C’est le rôle des débats, des ONG, etc. Il faut parler avec ces personnes, il faut travailler avec elles.
Il est important de montrer que nous soutenons l’Ukraine et que cela nous est également bénéfique. Par exemple, quand nous achetons des canons Caesar pour l’Ukraine, nous créons des emplois en France. Les « César » sont fabriqués en France, ce qui est bon pour l’industrie française. Donc, je pense qu’en montrant cela, on peut même engager des débats avec ceux qui sont hostiles à l’Ukraine. Même s’il s’agit de jeunes, qui n’ont pas encore été influencés.
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– Voyez-vous la guerre comme une menace pour l’Europe ?
– Oui, c’est une guerre directe pour l’Europe. La raison qui a conduit à tout cela en 2013-2014 est que les Ukrainiens sur le Maïdan ont dit : « Nous voulons l’Europe, démocratique, non corrompue ». C’est pourquoi ils ont eu des conflits à cause de l’Europe. Ainsi, nous voyons que Poutine attaque non seulement l’Ukraine, mais aussi l’idée européenne et l’Union européenne. C’est une véritable menace. Mais l’avantage de l’UE réside dans le fait que nous avons une grande puissance militaire, bien plus grande que celle de l’Ukraine en 2022 ou 2014, et nous avons l’armement nucléaire.
C’est pourquoi je ne pense pas que cela représente une menace immédiate pour nous, que demain ils attaqueront la Finlande. Mais c’est une menace pour notre mode de vie, pour notre civilisation. Cela a déjà des conséquences sur notre énergie, notre gaz, etc. Donc, c’est déjà une menace aujourd’hui. Mais je ne crois pas que cela représentera une menace directe pour notre invasion. Je pense que l’Union européenne doit soutenir l’Ukraine, car dans 10, 15, 20 ans, l’Ukraine fera partie de l’Union européenne. C’est pourquoi nous devons la soutenir maintenant.
– Quels sont, selon vous, les trois leçons historiques que le monde, et en particulier l’Europe, devrait tirer de cette guerre ?
– Tout d’abord, la paix n’est jamais éternelle. La guerre fait partie de l’histoire humaine, et jusqu’à la fin du monde, jusqu’à l’apocalypse, il y aura sans doute des guerres. Il y aura des conflits. Il ne faut pas essayer de construire l’histoire ou l’avenir sans guerre. Il faut viser à construire un avenir où il y aura le moins de guerres possibles.
Ensuite, un autre enseignement, je dirais, c’est que nos conceptions de l’histoire ont des conséquences politiques. La Rus’ de Kiev est un espace culturel unifié qui englobe une partie de l’Ukraine, de la Russie et même de la Biélorussie. Pour les Russes qui ont étudié la Rus’ de Kiev en histoire, celle-ci est le berceau de la Russie. Cela crée l’image actuelle que l’Ukraine est quelque chose de similaire à la Russie. Ainsi, cela montre que l’histoire, la manière dont nous percevons l’histoire, a des conséquences politiques.
Le troisième enseignement, c’est qu’il ne faut pas sous-estimer la question des frontières. En Europe, après les années 90, nous avons dit : combien de frontières y a-t-il en Europe ? Les Croates en Bosnie qui veulent rejoindre la Croatie, les Hongrois en Slovaquie qui veulent revenir en Hongrie, les Polonais en Lituanie qui veulent rejoindre la Pologne, etc. Nous avons dit : ce n’est pas important, tous ceux qui entreront dans l’UE seront frères, et les frontières ne seront pas un obstacle.
Mais maintenant, avec l’Ukraine, nous voyons que les frontières sont importantes, et que des frontières mal tracées, des frontières établies par la violence et la guerre sans tenir compte des peuples, peuvent entraîner des conflits. Et dans l’Union européenne, il y a aussi quelques frontières qui peuvent être considérées comme mal tracées. Il y a des régions de Slovaquie où 95 % de la population est hongroise. L’Ukraine nous rappelle que les frontières sont importantes, et qu’elles peuvent causer des conflits, c’est pourquoi elles doivent être mieux harmonisées. Il faut négocier, parvenir à des accords, et ne pas attendre que la situation change, pour éviter qu’un conflit entre la Hongrie et la Slovaquie surgisse dans 50 ans à cause de cela.