Les commémorations du 75ème anniversaire de la création de l’OTAN se sont tenues dans la petite commune de Fréthun non loin de la ville de Calais dans la région des Hauts-de-France. Organisées par Willy Breton, le Président du Mémorial de la Fédération de l’OTAN, de nombreuses délégations des pays membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord se sont donné rendez-vous pour la 12ème année consécutive.
Une foule importante s’est présentée devant les hautes plaques commémoratives dressées aux abords d’une voie bordée de maisons individuelles. La route barrée pour l’occasion était envahie d’hommes et de quelques femmes en uniforme. Au milieu d’eux se trouvaient quelques civils souvent âgés arborant de nombreuses médailles accrochées au revers de leurs vestes. Et en y regardant de plus près, d’autres vétérans plus jeunes portant des gilets de cuir se tenaient à leur côté. C’était, en fait, les membres des associations des vétérans de la « 4ème Génération de feu » et de la « Deutschland Einsatzveteran » notamment. Et enfin quelques membres de familles avec des enfants complétaient le tableau de la centaine de personnes présentes.
Tous les ans, les militaires, les policiers et les gendarmes sont honorés et remerciés pour leur sacrifice dans le cadre de leurs missions de l’OTAN autour de ce monument où les familles, amis et sympathisants peuvent se recueillir et se souvenir.
Cependant, cette année, au côté de son Excellence l’Ambassadeur de Monaco, Mme Valérie Bruell-Melchior, l’Ukraine était représentée par l’attaché militaire de l’Ambassade. Bien que l’Ukraine ne soit pas membre de l’organisation de l’Atlantique-Nord, elle a depuis son indépendance en 1991, tissé des liens qui se renforcent. Tout d’abord, elle a rejoint en 1991 le Conseil de Coopération Nord Atlantique (CCNA), le Partenariat pour la paix (PpP) à sa création en 1994, et créé un centre d’information et de documentation de l’OTAN à Kyïv en 1997 qui aboutit à la signature d’une charte de partenariat spécifique créant la commission OTAN-Ukraine. Peut-on dire que cette deuxième invitation est un pas de plus vers une intégration de l’Ukraine dans l’OTAN ou du moins est-ce le signe de la prise de conscience de certaines institutions quant à la nécessité de renforcer les liens ?
M. Jacques Merlen, maire de la communauté de communes de Bonningues-les-Calais, Mme Eva Darlan, S.E. Mme Valérie Bruell-Melchior, ambassadeur de Monaco, M. le maire de Fréthun Guy Heddebeaux, ses Messieurs les représentants militaires des ambassades de la République tchèque, de la Slovaquie, d’Ukraine et M. Bruno Pieckowiak, président du Comité Départemental Olympique et Sportif du Pas-de-Calais. Au deuxième rang, les représentants de Taïwan. (Photo Nathalie Chrin)
Dans un ordre précis tout militaire, la cérémonie interreligieuse débuta à 9h30 précises. Après les représentants des cultes, catholique, protestant, orthodoxe, bouddhiste et musulman appelés successivement face à l’assistance pour réciter une prière aux disparus, les prières aux blessés et des familles ont clos le service religieux. Les visages graves et les pensées manifestement tournées vers leurs camarades morts au combat, les membres des délégations étaient proprement alignés du plus gradés au moins gradés tout en écoutant la douce voix d’Aude Carion chantant « Hallelujah ».
Dans l’attente de la surprise sportive, la chanteuse géorgienne Mariam Guéguétchkori et sa famille nous ont interprété plusieurs chants traditionnels géorgiens et un chant de noël ukrainien mondialement connu, « Shchedryk » (« Carols of the Bells » en anglais). Agréablement accueillis par un public peu averti, leur participation à la commémoration est un symbole fort de l’engagement du Mémorial de la Fédération de l’OTAN auprès de la communauté géorgienne qui a connu malheureusement le même sort que l’Ukraine : en 2008, la Russie « reconnaissait l’indépendance » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, de facto une annexion russe. Le mari de Mariam Guéguétchkori, Remuald, le deuxième membre du « duo Iberia » confira ensuite avoir des origines ukrainiennes.
Le « Duo Iberia », Mariam Guéguétchkori, son mari et ses enfants. (Photo Nathalie Chrin)
Vers 10h30 comme promis, nous avons pu applaudir le groupe d’une quinzaine de cyclistes parti de Saint-Maixent-l’Ecole en Région Nouvelle-Aquitaine arrivés en forme de leur périple de 680 kilomètres. A leur tête Cédric Travers, militaire et membre de plusieurs associations de programme de reconstruction des vétérans par le sport. Blessé au Mali ce qui lui a valu de subir un syndrome post-traumatique, celui-ci milite activement depuis plusieurs années dans l’accompagnement des soldats blessés et de leur réintégration dans la vie active.
Arrivée de Cédric Travers, à la tête du peloton. (Photo Nathalie Chrin)
Puis, Willy Breton, Président du Mémorial de la Fédération de l’OTAN, M. Alexis Bataille-Hembert ancien infirmier militaire et Cédric Travers se sont approchés du monument afin d’allumer les portes-flammes.
Tandis que les hymnes de l’Europe, de la Fédération de l’OTAN, de la Finlande, de la Suède (les deux derniers pays à avoir intégré l’OTAN en 2023) et de la France étaient interprétés par l’orchestre des communes de Coquelles et de Sangatte, les personnalités invitées se sont dirigées vers le pupitre. Willy Breton a ouvert la cérémonie officielle par un discours expliquant qu’elle était placée cette année sous la bannière de la reconstruction par le sport. La parole a été notamment donnée à la présidente de l’association « De la pierre à l’olivier » (dont le but est de faire reconnaître la voix des parents des soldats morts pour la France), à Mme Pascale Lumineau, à M. le maire de Fréthun, Guy Heddebeaux, à Mme l’Ambassadeur de Monaco et à l’actrice et écrivaine Eva Darlan, marraine de l’événement… Cette dernière a rappelé que nous devons à nos soldats « nos vies paisibles ».
S.E. Mme Valérie Bruell-Melchior (Photo Nathalie Chrin)
Un court intermède musical des Bretons du Dunkerquois ont fait résonner le pipe sous les notes de « Amazing Race ». S’en sont suivis les dépôts de gerbes devant le monument par les délégations des associations d’anciens combattants de plusieurs pays de l’OTAN, des représentants d’associations de famille et d’officiels français et étrangers, aidés par les Miss Mémorial Day. L’Attaché militaire de l’Ambassade d’Ukraine en France a quant à lui déposé un coussin de fleurs aux couleurs du drapeau ukrainien.
L’Attaché militaire de l’Ambassade d’Ukraine en France avec des vétérans. (Photo Nathalie Chrin)
Pour clore la cérémonie, le drapeau ukrainien a été déployé devant le monument tenu par les deux enfants de la chanteuse géorgienne Mariam Guéguétchkori et les deux membres présents de la diaspora ukrainienne de France. Vive émotion des participants, communion parfaite des esprits face à l’ampleur du conflit russo-ukrainien emportée par la voix d’Aude Carion chantant l’hymne du mémorial de la Fédération de l’OTAN, « Héros ». Emus, certains vétérans confiront que le conflit en Ukraine constitue un défi majeur pour l’Europe et le monde, tandis que d’autres bien qu’admirant les combattants ukrainiens n’en comprenaient visiblement pas les enjeux.
Au-delà des apparences formelles de commémorations à caractère militaire, les détails ont tous leur importance. Les éléments subtils faisant référence aux problématiques aigües de la géopolitique chaotique et de l’actualité prennent une dimension mondiale inattendue. La Géorgie ouvrant ces commémorations avec une note appuyée à sa culture ancienne et la présence des délégations taïwanaise et ukrainienne forment le trio déterminant des inquiétudes politiques du continent eurasien.
C’est en 2010 en rentrant d’une mission en Afghanistan que M. Willy Breton, Chef de Gendarmerie, décide de créer le Mémorial de la Fédération de l’OTAN pour honorer la mort de ses camarades et de tous les militaires, policiers et gendarmes qui ont sacrifié leur vie au service de l’OTAN. Le devoir de mémoire, d’entraide et de soutien aux militaires blessés et à leurs familles sont les valeurs de cette jeune institution. D’une initiative personnelle, la prise de conscience devient européenne et mondiale. L’invitation d’une délégation ukrainienne est un signal fort pour la compréhension des enjeux d’un conflit sur le sol européen en espérant que les valeurs véhiculées par celle-ci soient appliquées aux besoins pressants de l’Ukraine plus que jamais intégrée dans le paysage international.