François Béchieau: « Fournir des armes à l’Ukraine, c’est bien sûr pour la paix en Ukraine, mais aussi pour la paix en Europe »

Politique
12 mai 2025, 10:23

Conseiller de Paris et Adjoint au maire du 19e arrondissement, François Béchieau a partagé dans une interview pour Tyzhden.fr sa vision de la guerre en Ukraine, des perspectives d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Union européenne, et a commenté la rhétorique de Donald Trump. Il a également évoqué son engagement personnel dans les marches de solidarité et les initiatives qui empêchent qu’on oublie la résistance courageuse des Ukrainiens face à la menace russe.

– Depuis le début de la guerre totale, vous venez manifester avec les Ukrainiens deux fois par semaine: chaque mercredi et samedi. Pourquoi avez-vous décidé de le faire?

– Parce que rien ne peut expliquer ou, du moins, justifier l’invasion du 24 février 2022. Il n’y a aucune mesure, aucun contexte international. Vladimir Poutine a pu laisser entendre que certains et certaines voulaient envahir la Russie. Ça c’est complètement sa folie et vraiment son côté KGB si j’ose dire. Lorsqu’un peuple est assassiné et meurtri lorsque des enfants sont déportés (parce que beaucoup d’enfants ukrainiens ont été déportés en Russie) et lorsque l’on est attaché aux valeurs républicaines de la France, liberté, égalité, fraternité, aux valeurs démocratiques, nous devons bien sûr être au côté du peuple ukrainien pour le défendre. Lorsque nous défendons les enfants ukrainiens, nous défendons les Français, les enfants français et les enfants du monde entier.

– J’ai vu que beaucoup de Français participent aux manifestations. Pourquoi, selon vous, viennent-ils ?

– Ils viennent justement parce qu’ils ont cet esprit démocratique, ce désir de liberté. Ils pensent comme moi, comme de nombreux autres citoyens : cette agression est complètement injustifiée. Il est donc absolument nécessaire de continuer à soutenir le peuple ukrainien. Il faut absolument sensibiliser les Françaises et les Français, toutes les personnes vivant en France, et toutes celles et tous ceux qui sont attachés aux libertés et à la démocratie de par le monde de façon à ce que l’Ukraine puisse demain l’emporter.

– Quelles initiatives culturelles en soutien à l’Ukraine ont été mises en place par votre mairie ?

– Il y a eu des concerts dans des cathédrales. Nous avons une paroisse ukrainienne rue de Palestine. Nous maintenons également des liens avec «Plast», les scouts ukrainiens. Ces initiatives vont bien au-delà du thème de la guerre et montrent le lien que nous pouvons avoir avec la diaspora ukrainienne en France. En 2023, nous avons accueilli le groupe musical Kalush dans la salle des associations — ils ont rencontré les scouts ukrainiens de « Plast » ainsi que leurs parents. C’était vraiment formidable. La semaine dernière, nous avons organisé la projection du film de Guillaume Sauzedde Carnets de Lviv. Il a effectué un voyage à Lviv — une ville relativement épargnée, car elle ne se trouve pas sur la ligne de front. Mais le film montrait à la fois la résilience du peuple ukrainien et les horreurs de la guerre, notamment Marioupol avant et après l’invasion. Et une autre, une grande initiative que nous avons organisée, c’est deux fois sur le parcours du marathon de Paris avec l’Union des Ukrainiens de France. Nous sommes allés au 30e km, nous avions un rassemblement avec l’hymne national ukrainien. Il y a 50 000 coureurs et coureuses qui sont passés, et il y avait les drapeaux ukrainiens et l’hymne. Et il y avait un très, très bon accueil. Autant des coureurs que du public.

Une autre initiative que nous avons organisée en mairie du 19e, c’est l’accueil de l’ambulance mitraillée. C’est une ambulance qui a été attaquée durant la première année de la guerre en Ukraine. Elle a été récupérée et réparée, et aujourd’hui, elle fait le tour des communes en France. L’objectif est de montrer de manière concrète à quel point la Russie de Poutine est coupable de crimes, jusqu’à attaquer même les ambulances. Cette initiative sert aussi à sensibiliser les gens et à recueillir des dons. Ces dons sont utilisés pour améliorer les systèmes de santé en Ukraine et, surtout, pour reconstruire ce qui a été détruit pendant la guerre.

C’est un travail de communication, mais aussi un travail de longue haleine, un travail de fourmi. Ce qui est important, justement, c’est que, par exemple, lors de la marche du 1er mai, nous n’étions pas très nombreux — une quinzaine — mais c’était très important qu’on soit sur un point fixe. Tous les manifestants, tous les participants nous ont vus. Et ça, ça participe à sensibiliser, à relancer le soutien à l’Ukraine, qui en a bien besoin. Parce que, comme je le dis, les atrocités de la Russie de Poutine continuent aujourd’hui. Nous, on intervient surtout auprès des autorités françaises et européennes, pour que toujours plus de moyens soient fournis à l’Ukraine.

Il y a eu trois Mirage 2000 qui ont été livrés il y a deux mois. Trois Mirage après trois ans d’agression. Ce qu’on dit, c’est qu’on ne va quand même pas attendre encore trois ans pour en envoyer trois de plus. Et puis, il faut le faire tout de suite. Il faut surtout que l’Europe, que les gouvernements européens comprennent que fournir des armes à l’Ukraine, c’est bien sûr pour la paix en Ukraine, mais aussi pour la paix en Europe. Il ne faut pas croire que Poutine va s’arrêter à l’Ukraine.

– Avec quelles organisations ukrainiennes travaillez-vous ?

– Essentiellement avec l’Union des Ukrainiens de France, présidée par mon ami Jean-Pierre Pasternak. Je collabore aussi avec le Congrès mondial des Ukrainiens, dont le vice-président est Volodymyr Kogutyak, ainsi qu’avec le Comité représentatif de la communauté ukrainienne en France, dont la vice-présidente est mon amie Zoriana Haniak. En outre, je reste en contact avec l’association Aide et Support, avec l’association Kalyna, ainsi qu’avec de nombreuses autres organisations. Par exemple, l’association Ambulance mitraillée, qui a organisé une exposition de cette ambulance criblée de balles sur la place de la mairie du 19e arrondissement. Et avec toutes celles et tous ceux qui souhaitent s’engager dans cette cause.

– Comment évaluez-vous la coordination entre les villes françaises en matière d’aide à l’Ukraine ?

– Je pense que c’est le réseau associatif qui est très important. Je sais qu’il y a de nombreuses associations partout dans le pays qui interviennent avec les municipalités, notamment à Marseille. Il y a aussi d’autres associations à Colmar, à Lyon… En fin de compte, il y a beaucoup d’associations qui interviennent et qui sont là pour porter des projets avec le soutien des mairies. Je n’ai pas en tête de mairie qui ait refusé de collaborer. Cependant, il y a probablement des mairies d’extrême droite, puisque l’extrême droite a clairement affiché son soutien à Poutine. Mais aujourd’hui, effectivement, beaucoup de choses se font à travers le pays, partout en France, et c’est surtout grâce aux associations. Tout particulièrement grâce aux associations franco-ukrainiennes.

Écoutez, je ne vais pas vous mentir. Nous sommes essentiellement deux à être très actifs au Conseil de Paris au sujet de l’Ukraine : Geneviève Garrigos, qui est Présidente de la 7ᵉ commission qui s’occupe notamment des dossiers liés aux relations internationales, et moi-même. Notre ami et collègue Jean-Luc Romero, Adjoint à la maire de Paris, se joint également régulièrement à nous. Nous nous investissons beaucoup, très souvent et nous savons que nous avons le soutien de la Maire de Paris, Anne Hidalgo. Et puis, à chaque fois que nous le pouvons, chaque fois que je rencontre des personnes, je sais que le maire du 19e arrondissement, François Dagnaud, est également parfaitement en accord avec ce que je fais, et d’ailleurs, nous organisons ensemble, et avec mon collègue Mahor Chiche, à la mairie du 19e, le 22 mai, une conférence débat en soutien à l’Ukraine dans le cadre du Mois des mémoires. Au-delà des sensibilités politiques, à chaque fois que je rencontre des collègues, qu’ils soient de droite, de gauche ou du centre, je leur dis: écoutez, venez nous rejoindre dans les marches. Chacun fait ce qu’il peut avec les moyens dont il dispose.

– À votre avis, comment la perception de l’Ukraine par la société française a-t-elle évolué depuis le début de la guerre ?

– Il y a eu, au départ, une vraie montée en puissance de la solidarité avec l’Ukraine — une période crescendo où la cause ukrainienne faisait l’unanimité. Et puis, avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les choses ont commencé à se brouiller. Ça a un peu assombri le tableau, et ça a surtout introduit une certaine confusion dans les esprits. Aujourd’hui, ce discours que Trump a pu tenir — un discours ambigu, parfois même mortifère pour l’Ukraine — on doit le déconstruire. On doit être très clairs. Nous, nous sommes pleinement aux côtés du président Zelensky, du peuple ukrainien. Il faut rappeler que ce n’est pas l’Ukraine qui a voulu cette guerre. C’est la Russie de Vladimir Poutine qui l’a déclenchée. C’est lui, c’est Poutine, qui porte la responsabilité de centaines de milliers de morts — qu’ils soient ukrainiens ou russes.

– Pensez-vous qu’aujourd’hui l’attention des Français envers l’Ukraine a diminué ou, au contraire, s’est intensifiée, compte tenu des tensions actuelles dans les négociations et de la position conciliante des États-Unis envers la Russie ?

– Je dirais qu’il y a eu des hauts et des bas. Ce qu’on a vu, par exemple, c’est cette rencontre entre Trump et Zelensky. Trump lui dit pratiquement: «Vous voulez la Troisième Guerre mondiale ?» Comme si c’était Zelensky qui l’avait cherchée. Franchement, c’est terrible. Ce genre de discours, même s’il peut sembler anecdotique, reste malheureusement dans la tête de beaucoup de gens. Des gens qui ne font pas de politique, qui ne prennent pas toujours le temps de réfléchir en profondeur. Et du coup, ils reçoivent un message simplifié, voire déformé. Aujourd’hui, certains ont cette impression que la paix est déjà en cours, que tout est terminé. Et donc, quand l’Ukraine affirme qu’elle ne veut pas abandonner ni la Crimée, ni le Donbass, qu’elle veut simplement garder ses frontières… Eh bien, on les regarde de travers. Certains Français finissent par se dire: « Mais enfin, c’est Zelensky qui ne veut pas la paix! ». Et c’est justement pour ça qu’on doit rester vigilants. Oui, bien sûr qu’on souhaite la paix. Mais pas n’importe laquelle. On veut une paix juste, une paix qui reconnaisse clairement que l’Ukraine a été agressée. Rien, absolument rien, ne justifie l’intervention russe. Il faut que ce soit très clair dans l’esprit de chacun.

– Vous savez, de nombreux Ukrainiens se montrent sceptiques envers tous les Russes, y compris ceux qui soutiennent le mouvement « Russie libre ». Que pouvez-vous dire à propos de ce mouvement ?

– Nous avons organisé des manifestations lors des élections en Russie, contre Poutine. Et je me souviens très bien: il y avait des étudiants français qui y participaient, sur le parvis des droits de l’homme, au Trocadéro. La manifestation s’est terminée tranquillement, c’était organisé par Russie-Liberté, et « Slava Ukraini » a été scandé par tous les participants, Français, Ukrainiens, Russes. Vous savez, c’est un peu comme la Résistance française pendant l’Occupation. Il y avait aussi des Allemands qui n’étaient pas nazis, qui résistaient au nazisme. Et on ne les a pas tués, ceux-là. Même s’ils étaient discrets, même modestes, si j’ose dire… dans l’ombre.

– Pensez-vous que l’Ukraine doit intégrer l’OTAN ?

– Je suis pour le droit des peuples à s’autodéterminer. Si le peuple ukrainien veut intégrer l’OTAN, et bien qu’il l’intègre. Je ne vois pas en quoi Vladimir Poutine viendrait imposer un veto aux pays qui sont aux frontières avec lui. Sincèrement, il faut le dire et le redire, c’est aussi une idée à déconstruire : Personne en l’Europe n’a émis l’hypothèse d’aller envahir la Russie. Ça c’est vraiment une folie de Poutine, de la propagande russe et de la désinformation totale. Les Ukrainiennes et les Ukrainiens, peuple libre, se sont émancipé de la Russie depuis des années. Aujourd’hui, s’ils veulent rejoindre l’OTAN — eh bien, qu’ils le fassent. C’est leur droit. Après, je vais vous dire franchement : moi, personnellement, en tant que démocrate, et comme homme de gauche en France, je ne suis pas un fervent défenseur de l’OTAN.

Je suis plutôt pour que l’Europe construise sa propre défense. Donc je reprends. Ce que je disais sur l’OTAN, c’est que nous sommes favorables à la construction d’une véritable Europe politique. Une Europe avec une force militaire propre, capable d’exister indépendamment de l’OTAN. Parce que l’OTAN, au fond, c’est quoi ? Ce sont les États-Unis. Et aujourd’hui, avec Trump, c’est problématique. C’est un souci que notre sécurité dépende d’un pays tiers dont la direction est instable. Nous, ce que nous voulons, c’est une Europe politique, pas seulement économique comme elle l’a été ces dernières décennies. Une Europe dans laquelle, si l’Ukraine souhaite intégrer, alors nous disons : bienvenue ! Et si Monsieur Orban veut quitter l’Union européenne et laisser sa place à Zelensky, eh bien qu’il le fasse. Aujourd’hui, la Hongrie s’est engagée sur la voie d’un régime d’extrême droite, entièrement aligné sur Poutine. Si Viktor Orban veut intégrer la Fédération de Russie, qu’il y aille. Franchement, cela ne nous attristera pas.

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– Mais si les États-Unis sortent de l’OTAN, est-ce qu’il y a un avenir pour l’alliance ?

– En fin de compte, la vraie question, c’est de ne plus dépendre de l’OTAN. Aujourd’hui, l’Europe est suffisamment forte pour construire sa propre force d’interposition. Ce que nous demandons, c’est justement cela : la mise en place d’une force d’interposition européenne en Ukraine, pour garantir cette paix juste à laquelle nous aspirons, et pour servir de tampon face à la Russie. Après, si le président russe est assez fou pour vouloir entrer en guerre avec tout le monde… Mais moi, je ne pense pas qu’il soit à ce point-là fou.

– Souhaitez-vous l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ?

– Le peuple ukrainien, tout comme n’importe quel peuple souverain, est libre et émancipé de toute dépendance à la Russie. Si demain, le peuple ukrainien décide d’intégrer l’Union européenne, c’est son droit. Il est le bienvenu. D’autre part, si certains pays en Europe choisissent de suivre la voie de Poutine, alors ils rejoignent la Fédération de Russie. Mais nous, nous croyons en une Europe libre, démocratique et respectueuse des droits humains. Et c’est cette Europe que nous devons continuer à construire.

– Vous avez mentionné la désinformation russe. Comment est-ce qu’elle se manifeste en France en ce moment ?

– Je pense que la situation est plus forte qu’on ne le croit. La situation en France est tendue. Il y a des conflits, il y a un mal-être général. Et quand il y a un mal-être, les gens ont tendance à se refermer sur eux-mêmes. Aujourd’hui, il faut vraiment faire attention à ne pas laisser l’Ukraine être oubliée, car on parle beaucoup de la Palestine, à juste titre, de la réforme des retraites, des questions sociales — des sujets très importants. Comme beaucoup d’Israéliens progressistes, je soutiens également le peuple palestinien face aux crimes commis à Gaza par Netanyahu et son gouvernement fasciste et colonialiste et je suis pour une solution à deux États. Il faut pour cela que le Hamas, mouvement terroriste, libère les otages qu’il détient toujours. Cependant, hier, lors de la marche du 1er mai à Paris, j’ai été assez choqué par l’absence de la cause ukrainienne. Partout, on voyait des affiches pour la Palestine, mais pas de mention de l’Ukraine. Nous, nous étions seulement quelques uns, accompagnés d’environ dix Ukrainiens, à arborer nos drapeaux ukrainiens pour rappeler que la guerre continue là-bas. Il y a encore chaque jours des morts en Ukraine, des familles décimées à cause de la folie de Poutine et des bombardements de sa Russie.

Il est crucial de rester vigilant, car l’opinion publique peut être très réactive. Elle réagit à un événement, puis passe à autre chose, oubliant rapidement la situation. Quand cela arrive, cela signifie souvent que la pensée unique prend le dessus. Et aujourd’hui, sur le plan international, qui représente la BCE ? C’est Trump et Poutine. Poutine est un homme très intelligent, ancien membre du KGB, il est droit, mais c’est un assassin, un meurtrier, un criminel — tout le monde le sait. Quant à Trump, sincèrement…nous espérons que le président Trump saura être lucide et qu’il prendra les bonnes décisions pour la paix.

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– Est-ce que vous soutenez le projet de la coalition des volontaires, porté par la France et la Grande Bretagne, qui consiste à former un contingent international pour le soutien de l’Ukraine?

– Nous, au-delà du contingent franco-britannique, ce que nous souhaitons, c’est que tous les pays membres de l’Union européenne participent à l’effort de solidarité, y compris l’effort de solidarité militaire. Cela implique non seulement l’envoi de formateurs, comme l’Ukraine le demande, mais aussi l’envoi d’une force d’interposition, afin de stopper les bombardements et freiner l’avancée des troupes russes. Bien entendu, nous souhaitons que ce contingent soit beaucoup plus large que le simple cadre franco-britannique. Il est crucial que d’autres pays européens y participent également.

– Pourquoi l’Occident a si peur de désintégration éventuelle de la Russie?

– Pour ma part, je suis plutôt préoccupé par l’inquiétude liée à Trump aux États-Unis. Même si je suis dans l’opposition en France, je dois le dire, je soutiens pleinement la position du président Macron qui est de soutenir sans réserve le peuple ukrainien et de ne pas céder à la peur. La véritable peur, ce n’est pas la désintégration de la Russie, mais plutôt que la Russie prenne, avec toute sa puissance, le dessus non seulement en Ukraine, mais aussi dans d’autres régions européennes. C’est ça, le vrai danger. En ce qui concerne l’incertitude actuelle des États-Unis, c’est vrai que beaucoup de gens ne savent plus vraiment où va Trump. Un jour, il insulte Zelensky, le lendemain, il lui tend la main. Un jour, il accuse les Ukrainiens d’être responsables de la guerre, et un autre jour, il met en garde Poutine. C’est une position assez floue. Quant à la France, nous avons une position juste, même si notre soutien est arrivé un peu tardivement. Je me souviens que cela fait trois ans qu’on réclame l’envoi d’armes et d’avions Mirage, et il a fallu attendre tout ce temps pour que seulement trois avions soient envoyés. C’est bien trop peu. Cela dit, si notre intervention et nos actions ont permis d’avoir un impact, même modeste, c’est déjà une bonne chose. Il faut maintenant continuer sur cette voie. Mais pour moi, la désintégration de la Russie n’est pas ce qui m’inquiète.

– Est-ce que l’extrême droite peut gagner la prochaine présidentielle en France?

– Oui, hélas, il faut qu’on se le dise : l’extrême-droite, avec le Rassemblement National, peut gagner à l’élection présidentielle de 2027. Il n’y a qu’à écouter les gens, dans les villes, comme dans les campagnes, pour s’en assurer. C’est triste et affligeant, mais il y a eu ces dernières années, hélas, une réelle banalisation du discours raciste et xénophobe des dirigeants de ce parti. Un parti qui se dit populaire mais qui en fait méprise les peuples et les travailleurs. Et bien, aujourd’hui, écoutez, je vais vous dire. Quand je parle avec des gens, je leur dis que s’il y a une seule et bonne raison à retenir pour empêcher le Rassemblement National de l’emporter en 2027, c’est justement celle-ci : la survie de l’Ukraine. Ce serait une véritable catastrophe, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour l’Europe et même pour le monde entier, si Marine Le Pen ou un autre candidat de l’extrême droite parvenait à remporter la présidentielle. Si vraiment il y a une raison d’être préoccupé, c’est celle-là.

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– Comment voyez-vous l’avenir de l’Ukraine après la victoire ?

L’avenir de l’Ukraine après la victoire, ce n’est pas à moi de la déterminer. C’est aux Ukrainiens de décider. En tant qu’élus français, notre combat repose sur les droits humains. Ce qui est très intéressant dans les marches organisées par l’Union des Ukrainiens de France, c’est qu’on y trouve des Ukrainiens de gauche, des Ukrainiens de droite, et aussi des Ukrainiens qui, comme dans n’importe quel peuple, ne sont pas nécessairement engagés politiquement, à l’instar des Français.

Aujourd’hui, ce que j’espère, c’est bien sûr que l’Ukraine, après avoir obtenu la justice que nous souhaitons, évolue vers un régime démocratique. Mais ça, je crois que c’est déjà acquis. Et si la gauche ukrainienne parvient à l’emporter, je serai ravi. Cependant, encore une fois, ce n’est pas à moi de choisir, c’est au peuple ukrainien de décider de son avenir. Il faut aussi faire attention, parce que les Français ont parfois des tendances un peu impérialistes, un esprit colonial qui persiste. Mais pour ma part, je me bats aujourd’hui pour que le peuple ukrainien retrouve sa liberté et l’intégrité de son territoire. Une fois que la liberté et la paix seront acquises, je soutiendrai des initiatives, mais cela pourrait être différent demain, lorsque l’Ukraine sera dans une position plus stable.

– Avez-vous déjà visité l’Ukraine, ou envisagez-vous de vous y rendre ?

– Pour l’instant, je n’ai pas visité l’Ukraine. Et je pense que le principal aujourd’hui, c’est d’être ici en France et de porter ce combat justement. Mais j’espère bien sûr pouvoir visiter l’Ukraine en paix retrouvée.